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Photo du rédacteurSandie Crayne

Un train de retard

Pressée: n.f. qui signifie avoir une fusée aux trousses.

Ex: quand l’alarme nous fait défaut, qu’on se réveille à 7h04 et qu’on doit être dans le train 24 minutes plus tard.


Je vous entends d’ici: « le coup de la panne de réveil, un classique! (…) mon oeil, elle ne l’a pas entendu et puis c’est tout! » Et bien non, ce n’est pas tout. L’alarme de mon voisin me réveille, mais je n’entendrais pas celle qui sonne à 20 cm de mon oreille?

Premier coup d’oeil au téléphone: 7h04. Ah, ça va…j’ai eu p…(deuxième coup d’oeil au réveil) …PEUR! Oh p*****! L’expression « tomber du lit » prend tout son sens. Celle de « panique à bord » aussi. Je me téléporte de la chambre au salon, j’enfile mes sandales (sans les fermer), j’attrape mon sac et mes clés, et je sors…en pyjama donc. Je dévale les trois étages, je triple-galope dans la rue comme une hérétique (je vous rappelle que je suis en pyjama). A ce stade, je vendrais mes cheveux (enfin ce qu’il en reste) pour un taxi. Mais le destin ne semble pas me vouloir chauve, et je m’engouffre dans le métro.

7h09. Ca fait 5 minutes que je suis réveillée. Alors oui, j’ai les cheveux en pétard, et la trace du drap sur la joue. Mon train est dans 20 minutes. Je me lance dans une série de calculs: 9 stations X 2 minutes = il me reste 2 minutes pour traverser le changement de la ligne 4 et rejoindre la gare…Hyperventilation, arrachage de cheveux, tapage de tête contre les murs, je passe par tous les états. Le désespoir total: je suis une petite fille indigne, mère-grand m’attend et je ne suis même pas foutue de prendre mon train à l’heure. La victimisation suprême: ce n’est pas de ma faute! La frustration intense: mon père ne va pas croire que mon réveil n’a pas sonné, il va dire que c’est moi qui l’ai mal programmé. Sur ce je vérifie l’objet du crime, 7h14. Je pleure. Je réfléchis. Je tente d’appeler la gare pour me renseigner sur le quai de départ, mais le téléphone me lâche: carte sim déconnectée. Je gémis, trépigne. Les gens me regardent bizarrement (dois-je rappeler que je suis en pyjama?)

Puis je reprends espoir. 7h21, il ne reste plus qu’une station.

7h22, Montparnasse. Les portes du métro s’ouvrent, et je pique un sprint légendaire. Je ne suis pas la seule à être à la bourre, quelques militaires trottinent à côté de moi. Mais le changement est long. Arrivée au troisième couloir, je n’ai plus d’air, plus de salive, plus de ressort dans les jambes. J’ai épuisé ma réserve, je ralentis, reperds espoir. Continuez sans moi les gars, je vais me laisser mourir sur le bas côté.

7h27. Je suis en bas de la gare, pliée en deux, les poumons en feu. Il reste trois escalators à monter, je puise dans l’énergie du désespoir. Le train pour Toulouse est le premier sur le panneau d’affichage, la mention « à l’heure » clignote à côté.

7h28. Je suis à 150 mètres du quai N°1. Dernier sprint. Les agents de sécurité sont en train de fermer l’accès. Ils laissent passer, mi amusés mi-effrayés, une cinglée pantelante, dégoulinante, hagarde. Je m’engouffre dans la première voiture et les portes se ferment sur mon pyjama.

Là, en nage, à bout de souffle, deux pensées traversent mon esprit simultanément: Merci Ô puissance divine et aussi c’est bon à savoir ça, on peut choper son train en un rien de temps, on prévoit toujours trop de marge en fait!


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